Pauvre Descartes, que vient-il faire là ? En quoi serait-il responsable de nos difficultés à faire bouger les lignes et à insuffler une dynamique entrepreneuriale au sein de nos grandes organisations ? Lui qui a largement façonné nos façons de penser et inspiré nos méthodes scientifiques, que lui reprocher ? C’est en allant faire un tour du côté des sciences de la complexité, que l’on comprend à quel point notre cartésianisme nous bride, quand il s’agit de dessiner le futur.
Étiquette : Intelligence collective
Le salaire de la peur
Il est peut-être exagéré de s’appuyer sur le film d’Henri-Georges Clouzot, « le salaire de la peur » pour introduire le sujet de la peur du « Corporate Hackeur » ou de l’intrapreneur, mais cette image présente le mérite de relativiser nos peurs et c’est l’objectif de cet article. En effet, dans ce film, Mario, Jo, Luigi et Bimba, sont missionnés pour transporter 400 kg de nitroglycérine sur les routes tortueuses et délabrées d’Amérique du sud. La situation doit être assez rare dans nos grands groupes, certes, mais la panique d’un des personnages – Jo – peut nous éclairer. Après une série d’épreuves, Jo refuse la mission et gagne de facto le statut officiel du lâche de cette histoire. Il affirme être payé pour avoir peur! Ce qui fera le titre du film et bien sûr du roman dont il est tiré.
Sommes-nous payés pour avoir peur ?
Rien dans nos contrats ne justifie le fait d’avoir une peur qui nous tiraille soit de manière permanente, soit dans des moments plus ponctuels parce que l’on présente notre projet – ou ses mauvais résultats – devant un hiérarchique ou parce que l’on voit que notre service a un déficit de performance et aura du mal à atteindre ses objectifs cet année. Et pourtant, et pourtant… La peur, la trouille ou la pétoche, quel que soit son nom, est omniprésente dans nos entreprises. Elle interfère avec notre capacité à prendre des décisions. Elle nous fait aussi perdre le contrôle de nous-même et elle intervient à tous les niveaux. Elle peut être provoquée par une situation, par individu ou par un groupe d’individus. Elle n’a pas que des effets négatifs car parfois elle nous grise et elle éveille nos sens.
Et pour l’intrapreneur ou le « Corporate Hackeur » ?
Les questions qui reviennent de manière récurrente dans le cas de l’intrapreneur ou du « Corporate Hackeur », qui ont pour pratique de jouer avec les limites de l’entreprise, sont :
Comment faites vous pour oser ? N’avez vous pas peur ?
On pourrait répondre oui ou non mais ce serait un peu trop rapide. De quelles peurs parle-t-on ? Peur d’être jugé, peur de mal faire ou de se tromper, peur de la hiérarchie ou des collègues, peur de se faire virer ?
La peur d’être jugé
Si vous faites évoluer vos entreprises ou si vous adoptez une façon de faire différente de la norme locale : il va exister 3 catégories de personnes, ceux qui vous féliciteront, ceux qui vous trouveront cavalier et les indifférents.
La peur de faire mal ou de se tromper
Si vous expérimentez de nouvelles approches, autrement dit, si vous faites quelque chose pour la première fois , il est fort probable que vous fassiez mal ou que vous vous trompiez. C’est inhérent au protocole d’apprentissage que vous mettez en œuvre. Souvenez-vous :
FAIL = First Attempt In Learning
Ces deux premières peurs sont moins anxiogènes dans un cadre expérimental ou plus simplement quand vous réalisez des maquettes ou des essais. Si ces peurs persistent malgré la pratique, vous pouvez aussi aider un Hackeur ou intrapreneur plus aguerri que vous, ou sinon consultez :).
La peur de l’incertitude
Effectivement, expérimenter, lancer un collectif dans l’entreprise ou goûter à l’aventure de l’innovation représentent des actions à forte incertitude. Et oui, tout ce qui nous entoure n’est pas contrôlable et c’est ce qui est magique et qui stresse nos entreprises. Sur ce plan vous devez apprendre à être ambidextre. Il y a des projets planifiables et d’autres non. Une approche salvatrice et dé-stressante est celle des petits pas. Elle consiste à faire des micro investissements sur les actions risquées, de façon à ne pas perdre grand chose si l’on échoue. D’autant plus quand l’action est courte et frugale, qu’elle passe sous le radar et qu’elle est aussi accessible par tous.
La peur de la hiérarchie
Et oui, il y en a qui font peur. On peut déjà s’étonner de cette situation : est-ce normal d’avoir peur au delà de la stimulation ?
Mais sur cette peur il y a une grande quantités d’options possibles que l’on peut considérer comme peu anxiogènes pour des Hackeurs ou intrapreneurs débutants.
- Si vous n’êtes pas obligé de demander l’autorisation ne le faites pas ! Surtout quand vous recevez l’injonction : allez, prenez des initiatives. Par contre présentez votre action quand elle a réussi et pas dans les phases correctives.
- Trouvez des alliés. A plusieurs c’est plus facile à porter et le nombre permet aussi de déminer les objections de vos détracteurs de manière efficace. L’intelligence collective c’est possible !
- Découpez votre action en petites actions plus admissibles.
- …
Trois petits points pour vous expliquer que cette liste dépend de vous et que si vous faites jouer votre créativité vous trouverez des voies de contournements en grand nombre.
La peur d’être viré
Celle-là elle fait peur ! Et bien oui, nous avons un crédit, une famille. Être viré serait un drame. Franchement connaissons-nous beaucoup d’exemples de personnes virées parce qu’elles ont travaillé sur une de leurs initiatives ?
Monsieur le juge, ce salarié a été irresponsable : il a cherché à expérimenter, sans autorisation, une nouvelle méthode pour améliorer la rentabilité de l’entreprise !
Sur ce point il doit, bien sûr, exister des exceptions. Il faut être conscient, tout de même, que « virer » en France n’est pas chose aisée et surtout sur des motivations aussi faibles. Ensuite, il faut aussi être clair avec soi-même. Il faut être responsable dans ses actions et être très clair sur leurs motivations. Si vos actions sont argumentées en fonction de valeurs créées pour l’entreprise et que vous ne franchissez pas de limites légales, le risque est très limité voire inexistant. Maintenant être viré d’une entreprise qui ne vous laisse pas expérimenter, faire des erreurs ou apprendre, serait-elle une mauvaise chose ?
D’un point de vue général
Pour résumer cet article et aussi donner une approche assez efficace pour contrer ces peurs, on peut affirmer que ces peurs ne sont pas très rationnelles même si l’on ne peut pas nier leurs existences. Il existe un niveau de peur qui est constructive (stress positif, adrénaline) et la ressentir n’est pas un drame et est souvent preuve que vous faites quelque chose qui change la donne dans votre entreprise. Et il y a une part de peur inhérente à la responsabilité, qui, quand elle est maîtrisée, se nomme simplement le doute.
Maintenant se laisser envahir par la peur au point de n’être plus en capacité de proposer de nouvelles idées, des façons de faire évoluer votre travail ou innover n’est pas admissible. Évacuer cette peur paralysante n’est pas simple mais on peut remplacer ces peurs par d’autres qui iront dans le sens de votre envie.
Vous pouvez en effet remplacer :
- La peur d’être jugé par la peur de ne pas créer de la valeur,
- La peur de l’incertitude par la peur de ne rien faire,
- La peur de vous tromper ou de mal faire par la peur ne plus apprendre,
- La peur de la hiérarchie par peur ne pas exprimer vos talents,
- La peur d’être viré par la peur de perdre le sens.
Appel du 18 juin: Hacktivation générale
Un petit hommage à la sauce Hacktivateurs à cette date historique du 18 juin… Et si nous faisions preuve du même engagement pour changer nos organisations:
Sans nous prendre au sérieux voici un appel à l’hacktivation générale. Twittez l’article ou la vidéo avec le hashtag #HacktivationGenerale si notre démarche a du sens pour vous.
Agitateurs, entrepreneurs… Hacktivatrices !
Loin de la niaise candeur, du conformisme de bon aloi et de l’extrême métal, les entrepreneurs, figures emblématiques des 3ème et 4ème révolutions industrielles, hackers, font résonner une nouvelle mélodie planétaire, souvent plus sage et respectueuse de la complexité humaine et des différents écosystèmes.
Au sein des entreprises, l’entrepreneuriat se décline sur un mode flexisécure, l’intrapreneuriat. De belles réussites sont énoncées dans le livre « Transformer l’entreprise de l’intérieur« , avec une stricte définition : « l’intrapreneur social est un salarié qui développe, au sein de son entreprise, une activité innovante susceptible d’apporter une solution durable à un problème de société. Cette innovation sociale, intégrée dans le cœur de métier de l’entreprise, se caractérise par un modèle économique propre, visant, a minima, à couvrir les coûts du projet, et favorisant la participation des collaborateurs de l’entreprise qui sont invités à y apporter leur expertise. » Emmanuel de Lutzel, co-auteur avec Valérie de La Rochefoucauld-Drouâs, est également membre des Hacktivateurs.

Les corporate hackers, moutons à cinq ou sept pattes au genre inclassable, ne rentrent pas forcément dans les lignes de cette définition… Souvent doué.e.s, reliant « têtes et cœurs », théories et pratiques, elles/ils remplacent les murs par des moulins à vent et tracent de nouvelles voies d’action collective pour tantôt réaligner, tantôt faire basculer, toujours bousculer (Grande Disruption à l’œuvre… « Faut pas zarmer » :)) Tous profils à l’œuvre, mais pas de misanthropes ! #HauteQualitéHumaine
"A l'évocation de ces technophiles qui mangent du marketing comme un nouveau bonheur, sa fibre critique se réveille" https://t.co/dPecO8ndnC
— Chrystèle Verfaille (@chrysteletv) April 15, 2016
Peu de (personal) marketing addicts chez les corporate hackers ; plutôt une ambiance de marketing responsable. Les stratégies d’influence sont appréciées dans leur valeur ajoutée aux combats menés, mais « savoir, faire, (savoir-)voir et partager » priment sur les logiques excessives de personal branding… Quelques-uns parmi tant d’autres, les hackers sont trop conscients des enjeux contemporains, et soucieux du respect de leur intimité.
Ainsi les corporate hackers déclinent-ils les #CivicTech, #EdTech, #FinTech, #GreenTech, #MedTech, … au sein des organisations en conscience des besoins humains, et dotés des compétences utiles.
Transformation numérique : quel est le bilan de vos 12 compétences digitales ? https://t.co/TYE0FLKkkW
— Corinne WERNER (@cowerner) April 29, 2016
"4 compétences Cognitives à développer aujourd'hui : Créativité, Coopération, Communication, Pensée Critique" #TruParis @JeremyLamri
— Frédéric Mischler RH (@Fred_M) April 12, 2016
Tel conseiller RH adepte de data analysis décidera de relier ses référentiels classiques aux réseaux sociaux internes pour mieux connaître chaque salarié et mieux le servir (développements personnel et professionnel : formation, mobilité, temps et espace de travail,…) #EdTech. Quid des dirigeants qui ne considèrent pas les salarié.es comme des clients de l’entreprise ?
Lancement de notre grand sondage : "êtes-vous #RH digital ?" > https://t.co/SiBRJP4tH3 #DRH #DigitalRH Cc @ADP_FR pic.twitter.com/S3OMJk1Br0
— RH info (@RHinfo) April 15, 2016
Tel médecin du travail établira une communication électronique personnalisée au fil de l’eau avec ses patients et fera la promotion des objets connectés anti-stress, mesurant en temps réel l’impact des activités et rencontres sur les personnes #MedTech. Au grand dam des facteurs de stress ainsi démasqués, qui devront être traités.
Telle communicante libérera la parole avec doigté grâce aux outils numériques pour une meilleure connaissance des attentes du terrain, une plus grande proximité entre Top Managers et opérationnels. Expression garantie de toutes les intelligences ! #CivicTech. Tant pis pour les DG adeptes des décisions prises unilatéralement en tour d’ivoire.
Telle responsable logistique introduira des vases connectés sur les bureaux et choisira avec soin les plantes utiles, afin de réaliser des économies d’eau tout en garantissant un environnement de travail agréable, détoxifié #GreenTech. Dans un premier temps, les dépenses mobilières en pâtiront.
Les hackers, entrepreneurs et intrapreneurs, n’ont pas fini de raconter de belles histoires en amenant d’autres conteurs et acteurs dans leur sillage… Et au-delà. Les élèves sont susceptibles de dépasser les maîtres…
Les chemins numériques, jalonnés de hacks en tous genres, sont porteurs d’avenir. Au féminin aussi, quoique puisse suggérer l’illustration du tweet ci-dessous 🙂
La narration de la révolution technologique est terminée, bienvenue dans l'histoire du capitalisme nouveau. https://t.co/bTdQuxI5aO
— Les Arpenteurs (@lesarpenteurs) April 20, 2016
D’ailleurs, l’association Les Hacktivateurs compte autant de femmes que d’hommes… Et le comité fondateur est mixte !… PLACE À L’HACKTION (mot féminin) !
#maisonmix makers a l'oeuvre pic.twitter.com/lczfnu6ooo
— Jardat (@Emmanuellejarda) April 29, 2016
2016, une année collectivement engagée et audacieuse
Oui, oui et re-oui ! 2015 est l’année de la bascule pour la collaboration et l’intelligence collective. Les Hactktivateurs ont déjà commencé à bouger les lignes …
Olivier Zara, précurseur dans les années 2000 de l’intelligence collective écrivait en 2006 : « l’intelligence collective est une innovation sociale, et comme pour toute innovation, il y aura des early adopters, des suiveurs et des refractaires » Nous ne sommes désormais plus quelques early adopters pris pour des utopistes. Au vu du nombre de sollicitations reçues pour partager nos expériences, et du nombre d’articles sur le sujet, il semble que les organisations, publiques comme privées aient pris la mesure de la force du collectif !
L’intelligence collective n’est pas une théorie fumeuse, ni un buzzword, c’est une réalité qui s’engage par le faire, et le faire ensemble comme ce que nous initions avec les Hacktivateurs.
Si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire l’article d’Emile Servan-Schreiber publié mardi dernier dans le Figaro sur l’intelligence collective (selon lui, il la révolution de l’intelligence collective est l’une des 3 révolutions sur 21ème siècle avec le big data et l’intelligence artificielle).
Je vous mets aussi le lien vers un article de Jean-Marc Vittori, illustré par Fabien Clairefond, sur la transformation profonde à opérer en faisant « place à l’écoute et à l’attention, à l’empathie, à l’envie et à la volonté d’aller vers l’autre, de coopérer avec lui« .
Tout cela entre en résonance avec le post inspirant et authentique d’adrien montcoudiol sur « La personne que je serai fier d’être devenue«
(Adrien, si tu lis ce post, les Hacktivateurs need you ; on ne te parlera pas de travail mais d’engagement !)
2016 sera une année collectivement engagée, audacieuse et forcément très Hacktive !